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En partenariat avec la Société Philharmonique de Lyon,
 cette conférence aura lieu à l’Auditorium de Lyon

 

À l’aube du XXe siècle, emportée par la nouvelle vogue de la psychanalyse, Vienne explore les mécanismes cachés de l’esprit. Parce que toute introspection est intimidante, Weininger et Freud entreprennent donc de sonder les profondeurs féminines non sans croire y redécouvrir quelque faute originelle. Avec Erwartung et La Nuit transfigurée, Schoenberg s’enfonce aussi dans de troublants mystères, ici ceux de la folie et du crime, là ceux du pêché et du pardon. Sur un poème extrait du recueil Weib und Welt (femme et monde) de Richard Dehmel (1896), le sextuor se pose à la croisée de la musique pure et de la musique à programme. Une synthèse qui met un terme à la querelle du critique Hanslick et du clan wagnérien, des formalistes à Leipzig et des apôtres du poème symphonique à Weimar. A Vienne, Gustav Mahler a défendu le recours au programme dans de véritables symphonies. Avec Schoenberg, le mot se dissout dans les notes. Le compositeur explique : « C’est pourquoi ma Nuit transfigurée se réclame de Wagner dans son traitement thématique d’une cellule développée au-dessus d’une harmonie très changeante, mais également de Brahms dans sa technique de développement par variation. »

Après son maître Zemlinsky, Schoenberg a mis plusieurs fois en musique les poèmes de Richard Dehmel. Dans des lieder, dans son sextuor et, en 1905, dans un Rendez-vous encore plus insolite. La Nuit transfigurée n’est pas un dialogue ; elle juxtapose deux paroles dans l’écrin de la narration. Une femme a fauté ; l’homme saura-t-il pardonner et accueillir l’enfant prêt à naître ? Arnold Schoenberg construit son propre poème en cinq parties, de sorte que la narration encadre l’aveu de la femme et la réponse de l’homme, et transfigure au sens propre le thème en mineur par sa radieuse reprise en majeur. Préservant les équilibres de la musique pure, la musique n’en suit pas moins le texte. Extrêmement resserré, le contrepoint enchevêtre ses lignes comme pour préserver l’enivrant mystère. Nous nous proposerons, pour cette découverte de La Nuit transfigurée de Schoenberg, de visiter la capitale autrichienne de l’époque, d’en saisir l’esprit littéraire. Quelques tableaux nocturnes orneront notre promenade, nuits étoilées de van Gogh ou de Munch, visages expressionnistes du compositeur dont on méconnaît la magnifique œuvre picturale. Puis nous pénétrerons la musique elle-même, pour sextuor ou pour orchestre puisqu’il en existe deux versions. Nous en écouterons la parole avant que la nuit ne se referme sur ce couple mystérieux allant « dans la nuit haute et claire. »

François-Gildas Tual, ancien élève du Conservatoire de Paris, maître de conférence à l’Université de Franche-Comté, contribue régulièrement aux actions de médiation culturelle de l’Auditorium de Lyon.

Il collabore aussi avec Radio France, l’Orchestre de Paris, les Philharmonies de Paris et du Luxembourg. Spécialiste des rapports entre musique et littérature, il a notamment écrit sur les Lieder de Schoenberg et de Berg.